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Réflexions sur 100 ans d'Art roman en Espagne

Au récent Premier Congrès International sur l'Art Roman de la ville de Zamora, le Professeur John Williams a initié la table ronde qu'il modérait en rappelant qu'en 1906 Don Manuel Gómez Moreno a publié en espagnol le premier texte dédié à l'Art Roman. Le monde académique espagnol a ensuite prêté son attention a un style architectural qu'il cotoyait tous les jours sans jamais y faire attention. Par la suite sont venus les travaux de Lampérez et d'autres nombreux pionniers plus intéressés par les formes et les structures architectoniques d'un art qui émergeait des supposées obscurités du Moyen-Age.

Parallèlement, les Sociétés d'Excursionistas catalannes et madrilènes se sont approchées des Pyrénées et du Plateau castillan, intéressées par le vieux style récemment baptisé. L'arrivée à Paris et à Berlin de pièces d'art primitives d'Asie, de l'Afrique et des îles Cyclades de l'égée, ainsi que de l'exposition de Beatus qui a été organisée à Madrid vers le milieu des années vingt, finirent de faire disparaitre les canons de l'art greco-romain, considérées jusqu'alors comme paradigme de la beauté, attaquées déjà par les différentes vagues artistiques qui depuis les dernières décennies du siècle XIX se succèdent en Europe.

Au milieu de cette atmosphère de rupture, l'art roman, incompris jusqu'alors, monopolise l'attention d'un public diletante en augmentation permanente. Après la Seconde Guerre Mondiale, à partir des années 50, le phénomène Zodiaque, propulsé par Dom Angélico Surchamp, se répend en France et rapidement ensuite dans le reste des pays européens (en Espagne à travers des Éditions Encuentro). Les livres sur l'Art roman publiés par Zodiaque et traduits en diverses langues transforment le regard que portent un nombre considérable d'Européens sur un art qu'ils avaient tellement proche d'eux et à auquel jusqu'alors ils n'avaient pas prêté attention. Et en ce sens personne n'avait touché autant de personnes sur ce sujet que Zodiaque.

Dans les derniers temps, l'intérêt pour ce qui touche à l'Art roman s'est révélé en Espagne d'une telle ampleur que nous sommes arrivés à un point critique dont personne ne veut se rendre compte. Le Professeur L. Simon, participant la même table ronde, a eu la lucidité et le courage nécessaires pour manifester sa préoccupation pour la "popularité" qui de nos jours est en train d'acquierir l'Art Roman en Espagne. Il s'est montré contre l'utilisation de ce qui est Roman comme un attrait touristique, puisque l'intérêt que peut réveiller l'Art Roman doit être par lui-même. De tels intérêts doivent être traités en profondeur, cela étant nécessaire pour, entre autres, s'ouvrir à l'Art Roman français, italien, allemand, etc.. "Pour comprendre l'essentiel de l'Art Roman Aragonais, il faut connaître l'Europe Romane", a synthétisé le professeur.

Ce que propose le Prof. Simon dans le fond est à l'heure actuelle crucial pourl'Art Roman en Espagne; il s'agit d'influencer avec des actions qualitatives un public qualifié au moyen de dispositifs capables d'approfondir ce qui est propre à l'Art Roman et ne pas se contenter d'aller vers la promotion de masse de de ce dernier. C'est-à-dire, initier et mener des actions "verticales" et non "horizontales". Et ceci ne doit rien à voir avec l'elitisme. En ce sens j'ai passé du temps à discutter avec différents membres de Amigos del Romanico concernant la banalisation, par exemple, à laquelle est arrivé le Chemin de Saint Jacques de Compostelle, ce pour éviter d'aller dans le sens d'actions qui sont en une grande mesure erronées, et qui pourraient aussi arriver à l'Art Roman.

Cent années après le premier texte en langue espagnole sur l'Art roman qu'écrivit Don Manuel nous nous trouvons à un moment crucial en ce qui concerne celui-ci. Connaissance ou popularité l'Art roman ? Le train de l'Art roman est déjà annoncé et tous ceux qui sont en rapport avec ce dernier - monde académique, administrations, institutions avec des projets multiples, associations diverses - ont la responsabilité de le conduire sur la bonne voie. Et la bonne voie c'est celle qui porte à sont juste destin. Non pas par l'intermédiaire d'une mort plétorique par des wagons pleins de voyageurs. Car l'art Roman est quelque chose de vivant et actuel, capable de réchauffer le coeur de quelques hommes et femmes du troisième millénaire.

Jaime Cobreros. Julio, 2006, Amigos del Romanico