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Collioure retrouve ses chapiteaux romans

31/1/09 – Acquisitions – Collioure, Musée Peské – Les catalogues Sotheby’s des traditionnelles ventes de janvier à New York proposaient des peintures et des sculptures de très haut niveau, plusieurs pouvant être considérées de qualité muséale, notamment de beaux primitifs italiens ou de grands tableaux caravagesques, qui sont devenus très rares sur le marché de l’art. Malgré la crise, les prix ont très bien résisté1, voire atteint des sommets, comme pour les quatre minuscules panneaux de Gentile de Fabriano à plus de 500 000 $ pièce, le Paysage avec la fuite en Egypte de Martin Ryckaert (700 000 $), ou une petite Madone de Schedoni (600 000 $). Parmi les tableaux cédés par le collectionneur Luigi Koelliker, la paire de jeunes gens au tison et au brasero de l’atelier de Georges de la Tour et le Saint Michel Archange de Cesare Dandini ont atteint la même somme, soit 542 000 $ .Deux lots ont dépassé les 10 millions de dollars, le Joueur de cornemuse de Ter Brugghen et le Temple de Jupiter Pannelius debout2 de Turner.

Sous les lots 300 et 301, Sotheby’s vendait quatre chapiteaux provenant de l’ancien cloître des Dominicains de Collioure. Ils ont été acquis par le Conseil Général des Pyrénées-Orientales respectivement pour 16 250 $ pour les deux premiers (ill.1) et 37 500 $ pour la seconde paire (ill. 2), soit, en tout, à peu près 42 000 euros3. Fondé en 1290, l’ancien couvent de Collioure était situé, non pas dans le village, mais dans le Faubourg, ce que l’on appelle le Port d’Avall (rendu célèbre par les vues de Matisse et Derain). Ses bâtiments servirent de caserne et de dépôt d’artillerie sous la Révolution, puis furent divisés en plusieurs lots lors de la vente des « biens nationaux ». L’église du XIIIe siècle a été achetée en 1926 par les vignerons locaux et sert aujourd’hui de cellier à la cave coopérative. Un an plus tard, un antiquaire de Perpignan négocie les arcades de la galerie orientale du cloître et les revend en 1931 à un australien, Reginald Wright, qui les remonte dans le château de Brindos, qu’il faisait construire dans un style médiéval près d’Anglet4. Huit arcades ont pu y être acquises par la commune de Collioure et ont été installées en 1998, avec d’autres pièces cédées par des particuliers, dans les jardins Pams du musée d’art moderne, situé à deux pas de leur emplacement d’origine. Plusieurs fragments ont disparu, soit en 1927, soit au château de Brindos entre 1952 et 1963. Les quatre chapiteaux qui viennent d’être récupérés appartenaient au County Museum of Art de Los Angeles qui s’en sépara en 19865. Ils rejoindront les autres éléments déjà conservés. Malgré, leur date relativement tardive, ils dépendent encore de l’esthétique romane typique de la région, celle par exemple de Saint-Michel-de-Cuxa. On remarquera le détail narratif des démons tentant de s’emparer de l’âme d’un mourant (ill. 2).
Jérôme Montcouquiol

1. Vente du 30 janvier 2009. Tous les prix de cette brève sont donnés frais acheteur inclus.

2. C’est le titre de l’exposition de la Royal Academy de 1816, qui permet de le distinguer de son pendant avec le temple en ruine (Alnwick Castle, collection du Duc de Northumberland).

3. Avec une participation de la région Languedoc-Roussillon de 10 000 euros. Le département a été prévenu de cette vente par la Direction des Musée de France, Oliver Poisson, Inspecteur Général des Monuments Historiques et Jean-Bernard Mathon du centre départemental de restauration. Le musée Peské, sous la direction de Joséphine Matamoros, est géré par la région.

4. Comme dans le cas des autres cloîtres du Languedoc-Roussillon (et d’Espagne) acquis par des collectionneurs américains dans les années 20 et aujourd’hui aux Cloisters Museum de New York ou au musée de Philadelphie, on ne peut parler, comme certains journaux le font, de vol ou de pillage. La plupart servaient de carrière locale et étaient démembrés depuis des décennies. Le service des Monuments historiques fit son devoir de protection en classant dans ces mêmes années les parties restées en place, mais ne put faire grand-chose pour s’opposer à l’exportation, parfois clandestine, des éléments pris par les particuliers. 5. Vente Sotheby's, New York, 25 novembre 1986, lot 4.