Pour Jean-Paul Deremble, cet historien d’art médiéval, maître de conférence à l’Université Lille, engagé dans la mise en valeur du patrimoine religieux, la célébration de la lumière est au centre du message chrétien.
À quand remonte le souci de mettre en valeur et d’expliquer le patrimoine religieux en France ?
Ce souci a connu un regain d’intérêt dans les années 1970, notamment dans le Quartier latin, à Paris, autour de l’église Saint-Séverin, alors qu’on prenait conscience qu’il fallait faire découvrir le patrimoine religieux à une société qui n’était plus chrétienne. Dès 1967, dans l’église romane de Brancion, en Saône-et-Loire, le P. Alain Ponsar fondait les communautés d’accueil dans les sites artistiques (Casa), dans le but d’accueillir un public très large au nom de l’Église.
On peut donc dire que les premières initiatives dans ce domaine sont venues des communautés chrétiennes qui avaient perçu l’urgente nécessité de montrer un patrimoine ancien en tant que patrimoine vivant.
Comment expliquer que les créations lumineuses occupent une place importante dans ces mises en valeur ?
Depuis plusieurs décennies déjà, les villes éclairent leurs bâtiments historiques, en particulier leurs églises. À ces éclairages se sont ajoutées des expériences de coloration de façades, d’abord à Notre-Dame-la-Grande, à Poitiers, il y a plus de vingt ans, puis à la cathédrale d’Amiens, mais aussi à Chartres et à Reims. Ces projections s’appuient sur des recherches scientifiques concernant des peintures médiévales des façades et des statuaires.
Parallèlement, depuis la fin des années 1990, les édifices religieux ont travaillé leur éclairage intérieur en renonçant aux gros projecteurs, très consommateurs en électricité, pour opter pour des éclairages plus subtils et plus économiques, installés au bas des piliers, dans les chapiteaux ou dans les voussures. Il s’agit là d’un véritable habillage de la pierre. Certains de ces éclairages intérieurs sont pensés avec des effets de graduation, du plus obscur au plus intense.
C’est le cas à l’abbaye Saint-Maurice, dans le Valais suisse, où l’architecte Jean-Marie Duthilleul a créé un clavier d’une quinzaine de combinaisons, et dans l’église abbatiale de Conques (Aveyron), où le prémontré qui joue de l’orgue peut commander une variation d’éclairages, en relation avec les morceaux interprétés.
Quel est le sens chrétien de ces mises en valeur des églises par la lumière ?
La célébration de la lumière, par le choix de l’orientation, la recherche d’effets d’ombres et de lumière, les fenêtres de plus en plus vastes, etc., occupe une place centrale dans le Mystère chrétien. Travailler la lumière est donc important aussi pour signifier le Christ qui est lumière et l’Église qui est le lieu de la lumière.
Certes, ce message est plus perceptible, par contraste, quand la ville est plongée dans la nuit noire… Le succès des « nuits blanches » de ces dernières années invite aussi les églises à renouer avec la grande tradition de la prière nocturne qui était habituelle, non seulement dans les abbayes, mais aussi dans les églises avec chapitre de chanoines, ceux-ci étant tenus, comme les moines, de célébrer l’office des vigiles.
Entrer dans une église en pleine nuit, c’est donc, sans le savoir, s’inscrire dans cette tradition de la prière pour le monde quand celui-ci est endormi.
Quels conseils donner à ceux qui ouvrent ainsi leurs églises ?
Il faut à la fois créer une ambiance méditative, d’intériorisation et de silence, offrir une présence et une disponibilité à tous ceux qui entrent, et enfin être suffisamment formé pour répondre aux demandes, tant sur la foi chrétienne que sur l’art. C’est fou les questions sur l’Évangile et sur Jésus que les gens peuvent poser dans un musée ou dans une église !
Encore faut-il les entendre et savoir y répondre, en aidant ceux qui n’ont plus de clés de lecture pour décoder l’architecture et les œuvres d’art dans leurs liens étroits avec la foi chrétienne.
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