Dom Angelico Surchamp a traversé le XXe siècle avec discrétion. 2012 porte enfin à la lumière un artiste et l'éditeur d'art rare…
« Je suis troyen et très attaché à la Champagne », répète Dom Angelico Surchamp. La ville qu'il a quittée en septembre 1942 pour entrer chez les bénédictins de l'abbaye de La Pierre-qui-Vire…
« Je suis né dans un milieu pour lequel la beauté était quelque chose de naturel… » Son père, ingénieur forestier, est issu d'une famille paysanne corrézienne mais connaît un certain succès littéraire sous le nom de Jean Nesmy. Sa mère, pianiste, est la fille du conservateur du département des sculptures du musée Saint-Loup. « José » Surchamp naît le 23 juin 1925 place Saint-Pierre, alors que les cloches de la cathédrale « sonnent l'enterrement d'un chanoine… »
Dans cette famille catholique, la vocation lui vient naturellement. Dès 7 ou 8 ans, avoue-t-il. Déjà, il aime dessiner. Son autre passion - la musique -, viendra plus tard, à l'adolescence. « J'ai eu un professeur de musique, un organiste aveugle titulaire de l'orgue de Saint-Martin, à qui je dois beaucoup. Je lui lisais l'Histoire de la musique, de Combarieu, il commentait, m'aidant à entrer dans ce monde si nouveau pour moi… »
L'engagement dans la foi ne va pas sans crainte. Sa première visite à l'abbaye de la Pierre-qui- Vire, à 14 ans, en 1938, le glace. Même si un frère aîné l'a précédé là.
Sa décision est prise dès novembre 1940 mais son père lui impose un délai de quelques mois. Il passe son temps à « dessiner les sculptures du musée Saint-Loup », visite ses frères à Albi ou Bonneville, retrouve Henri Charlier dont il a fréquenté l'atelier à Mesnil-Saint-Loup.
C'est le 8 septembre 1942 qu'il entre dans l'abbaye icaunaise encore fortement marquée par la tradition cistercienne : on y pratique le silence, le langage des gestes et les offices nocturnes.
Mais le père Placide de Roton, son directeur, lui autorise la musique et l'encourage à développer ses talents artistiques. Son supérieur, le père Fulbert Gloriès, lui donne le nom de Dom Angelico, qu'a suggéré son frère bénédictin.
Dès la Libération, la communauté est si démunie qu'il faut encourager plus que jamais les frères à être productifs. En août 1946 et l'été 47, Dom Angelico est envoyé se former auprès du peintre Albert Gleizes. L'abbaye avait d'abord songé à Henri Charlier, mais le sculpteur a jeté l'anathème sur Dom Angelico pour avoir pris la défense de Picasso et avoué son amour pour Matisse dans une revue d'art !
Gleizes est un des premiers artistes cubistes mais l'art lui a fait découvrir la foi. Dom Angelico moine en conservera l'abstraction et son approche de l'art sacré. Les formes simples, voire abstraites, de l'art roman exaltent le caractère divin de toute œuvre. Avec deux frères, frère Yves et frère Éloi, Dom Angelico va animer l'atelier du Cœur-Meurtry, qui crée vitraux et cartons de fresques et de tapisseries. C'est ainsi qu'il réalisera, entre autres œuvres auboises, les fresques de la chapelle du lycée Marie-de-Champagne, en 1951 et 1953. L'un de ses plus grands ensembles peints. Sans cesser de créer, Dom Angelico va aborder l'édition. En mars 1951, il lance la revue Zodiaque qui coïncide avec l'organisation d'une grande exposition d'art contemporain, à Vézelay. L'accueil de l'art abstrait est mitigé. Les fascicules de Zodiaque prennent ensuite le parti de faire connaître l'art roman. Juan Miro sera un des premiers souscripteurs… Devant le succès, les premiers fascicules sont rassemblés et imprimés à La Pierre-qui-Vire. L'abbaye est devenue maison d'édition et Dom Angelico, éditeur. Comment dire ce succès ? Le Zodiaque est incontournable pour les étudiants en histoire de l'art. La « Bourgogne romane » s'est vendue à plus de 150 000 exemplaires. Plus de deux cents titres ont paru qui révèlent l'extraordinaire mosaïque des régions de l'Europe romane…
Les éditions Zodiaque vivent maintenant leur propre vie mais, à 87 ans, Dom Angelico n'a toujours pas rangé couleurs et pinceaux. Il s'inscrit dans la litanie des artistes du XXe qui ont exprimé leur foi : Matisse, Chagall ou Cocteau…
« L'ensemble de l'œuvre de Dom Angelico a pour dessein de tracer le chemin qui mène des choses matérielles vers les choses célestes… », résume Frédéric Mitterrand.
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