A priori, ce n'est pas le genre de livre qu'on emmène à la plage. Deux épais volumes formant un ensemble de plus de 1 100 pages et portant un titre moyennement attractif pour le profane : « Chartes et documents hagiographiques de l'abbaye de Saint-Sever (Landes), 988-1359. » Pourtant il suffit d'écouter un peu les commentaires du père Jean Cabanot, co-auteur de cette somme avec Georges Pon, maître de conférences au Centre d'études médiévales de Poitiers, pour avoir envie de plonger le nez dans l'un des volumes. « Ce n'est pas un livre qu'on lit du début à la fin, rassure Jean Cabanot. Il faut piocher à l'aide du résumé en français qui surmonte chaque acte. »
Création de Mont-de-Marsan
Des Archives départementales des Landes au Vatican, de Paris à Londres via l'Allemagne, les deux érudits ont réuni tous les documents qui ont trait à l'abbaye de Saint-Sever de 988 à 1359, à commencer par l'acte d'achat du terrain en 988 par le comte Guilhem Sanche. En latin pour la plupart sur la page de gauche, ces écrits d'un autre temps ont été patiemment traduits et annotés en français sur celle de droite. Cinq ans de travail, mené pour Jean Cabanot depuis son appartement dacquois peuplé de livres, grâce à internet et aux miracles de l'informatique et autres microfilms. « Les Landais sont persuadés qu'il n'y avait rien autrefois dans les Landes, que la Gascogne était un pays de barbares. Mais plus on travaille, plus on découvre de choses ! »
À 81 ans, l'ancien professeur de lettres classiques, chercheur au CNRS et spécialiste de sculpture romane, s'émerveille toujours face à la reproduction de la carte du monde réalisée dans le scriptorium de Saint-Sever, à l'époque du puissant abbé Grégoire de Montaner au XIe siècle : « L'abbaye était très importante à ce moment-là. La carte comporte 280 noms géographiques ! (Rome, la Galilée, l'Inde, l'Égypte, l'Afrique… mais aussi Saint-Sever et Mimizan NDLR). Comment savait-on que tout cela existait depuis Saint-Sever ? »
Édité par le Comité d'études sur l'histoire et l'art de la Gascogne (CEHAG), grâce à une souscription et avec l'aide substantielle de la Drac (1), du Conseil général et de la commune de Saint-Sever, l'ouvrage recèle aussi l'acte de fondation de Mont-de-Marsan « sur une terre qui appartenait au prieuré de Saint-Sever », le contenu des « rolls », ces parchemins volumineux via lesquels l'administration anglaise contrôlait ses conquêtes, des comptes rendus de procès divers et variés, trois vies légendaires de Sever, patron de l'abbaye… Dix des documents ont aussi été traduits de l'ancien gascon tandis que Jean Cabanot s'est offert « une coquetterie » en recensant toutes les formes gasconnes dans un glossaire.
De Dax à Aire
Un travail de collecte et de recherche titanesque qui a pour origine une première publication, le « Liber rubeus », en 2004, à partir du cartulaire de la cathédrale de Dax, un manuscrit retrouvé « par hasard » dans un grenier dacquois, recueil de toutes les chartes et documents du chapitre de Dax. « J'avais alors demandé à Georges Pon, un ami, de m'aider à le transcrire et à le travailler. »
Succès surprise au rendez-vous et le goût de collaborer à nouveau pour les deux universitaires, qui se sont donc « attaqués » à la mémoire de l'abbaye de Saint-Sever. « C'était encore plus intéressant parce que, dans ces actes, on dépasse la vie en petit comité des chanoines. Il y a là les relations avec le pouvoir civil, les gens, l'autorité anglaise… Il reste le même travail à faire pour le cartulaire d'Aire qui date du XIVe siècle », souligne Jean Cabanot, toujours prêt pour une version latine avec commentaire à la clef.
(1) Direction régionale des affaires culturelles. « Chartes et documents hagiographiques de l'abbaye de Saint-Sever » par Georges Pon et Jean Cabanot. 50 € les deux volumes. À commander au CEHAG, 5 rue du Palais, 40100 Dax. cehag@eglise-landes.cef.fr
sources et photos: Sud Ouest
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