Les chapiteaux romans de Bourgogne – Thèmes et programmes, par Marcello Angheben, 560 pages, Brepols Publishers, Turnhout, Belgique.
La thèse de doctorat de Marcello Angheben – Maître de Conférence en Histoire de l'Art à l'Université de Poitiers - a été soutenue en 1998, et l'édition enrichie de l'ouvrage est parue en 2003. Mais les dates n'ont aucune importance lorsqu'il s'agit d'une entreprise d'un tel intérêt.
Marcello Angheben nous invite à le suivre dans les églises de Bourgogne, non pour effectuer de simples inventaires, mais pour tenter de comprendre les intentions qui ont présidé au choix des thèmes des chapiteaux. Il parvient à nous guider avec une extrême érudition sans jamais lasser son lecteur par un style austère, bien au contraire: on éprouve à le lire le même plaisir qu'avec Émile Mâle, Marcel Durliat, Jacques Fontaine, Jean-Maurice Rouquette, et bien d'autres.
La méthode de Marcello Angheben est du plus haut intérêt. Il propose d'étudier les
chapiteaux romans bourguignons en se référant aux représentations prises en elles-mêmes
(indications iconographiques), - en les mettant en relation avec les textes médiévaux qu'il cite très largement, - mais aussi du point de vue de la syntaxe. Et c'est ce dernier aspect méthodologique, peu utilisé jusqu'à cette thèse en ce qui concerne les chapiteaux romans, qui, complétant les précédents, constitue l'originalité de sa recherche et lui confère une indéniable portée heuristique.
La syntaxe est conçue comme « la relation entre le thème et le contexte dans lequel il est
intégré ». Il convient donc de prêter attention à la place du thème dans l'édifice: proche de l'entrée, dans le choeur, dans le déambulatoire, sur le côté nord ou le côté sud, etc. Il faut également prendre en considération « l'environnement iconographique d'une image ». Ainsi, dans les édifices où le thème de Daniel dans la fosse aux lions est associé à des thèmes antithétiques (images de torture, de luxure, etc.), il n'a pas la même signification que là où il est associé à d'autres paradigmes du combat spirituel, comme ceux de Samson ou de David. Et lorsque ces chapiteaux sont proches de l'autel, la représentation d'Habacuc apportant le pain à Daniel ajoute une dimension eucharistique à la scène.
Dans une première partie, Marcello Angheben, considérant l'église comme un espace symbolique, analyse les thèmes présents sur les chapiteaux du choeur. Dans ce lieu réservé au
clergé, on trouvera des images liées à l'idée de Paradis, de Jérusalem céleste, mais aussi des
représentations des diverses quaternités: l'auteur, s'appuyant sur sa parfaite connaissance des textes, souligne l'importance du chiffre quatre dans la symbolique médiévale. Sont également analysés les thèmes des paires, des atlantes, des anges, des lions affrontés, des aigles, des Pèlerins d'Emmaüs, du Baiser sur la bouche, de la libération de saint Pierre.
Dans une deuxième partie, la plus importante, M. Angheben examine la conception médiévale de l'édifice ecclésial comme lieu d'un combat physique et spirituel. Là nous rencontrons les chapiteaux où sont représentées les menaces constituées par les agressions multiformes du Mal
et les luttes menées contre elles: anges contre démons, anges défenseurs des âmes, Samson, David, Daniel dans la fosse aux lions, Jonas, hommes combattant des monstres, combats de guerriers, vertus triomphant des vices, combats des moines et des ermites contre les tentations (saint Benoît, saint Antoine, etc.)
Dans le dernier chapitre de cette partie, l'auteur examine les chapiteaux où sont représentées
les agressions des forces du Mal sans qu'y figure un « champion » du Bien: animaux ou diables
attaquant des hommes, centaures sagittaires, combats de coqs, et aussi les étranges combats de pilosi contre des oiseaux tricéphales. [Le pilosus est une sorte de guerrier hybride, vêtu d'un pagne, coiffé d'un casque, portant un bouclier et dont les membres inférieurs sont tantôt ceux d'un homme, tantôt ceux d'un animal]. Ces chapiteaux se situent la plupart du temps dans la partie ouest de l'église, ou dans l'espace périphérique du déambulatoire, et non dans le chœur.
La troisième partie de l'ouvrage est constituée de monographies permettant de distinguer les églises dans lesquelles les associations significatives de chapiteaux sont assez nombreuses pour
qu'on puisse parler d'un véritable programme iconographique.
La documentation est très riche: 151 photos, 43 plans et une ample bibliographie.
Cet ouvrage, destiné en priorité aux chercheurs, comblera aussi les attentes de tous les amoureux de l'art roman. On peut espérer que la méthode suivie par Marcello Angheben, si clairement exposée, et si fructueuse pour comprendre les mentalités qui ont présidé au choix iconographiques des clercs médiévaux en Bourgogne, soit adaptée à d'autres régions riches en chapiteaux, comme l'Auvergne, le Haut-Poitou, etc. Lorsqu'on croise la recherche d'un maître, le plus sage est d'explorer les possibilités de sa conception, et non de se fourvoyer dans de vaines entreprises en confondant le culte de la différence avec l'authentique et rarissime originalité.
Marcello Angheben nous semble être un tel maître dont nous espérons que bien des étudiants suivront la leçon.
Michel Claveyrolas
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