Romanes.com

Les Perses sassanides. Fastes d’un Empire oublié

Défaits à Qaddisiya, à la périphérie mésopotamienne de leur empire, puis définitivement vaincus à Nehavend, en 642, par les cavaliers arabes porteurs de la religion du Prophète, les Perses sassanides sont alors brutalement sortis de l’histoire et en sont longtemps demeurés absents, dans la mesure où, pour les Occidentaux, le passé de l’Iran se résumait à la puissance du « Grand Roi » achéménide telle qu’elle s’exprime dans les imposantes ruines de Persépolis, et aux splendeurs des temps safavides, quand Shah Abbas régnait à Ispahan.

L’exposition que nous propose le musée Cernuschi permet heureusement – à travers la présentation de vaisselles royales, de sceaux, de monnaies d’or et d’argent, d’armes d’apparat, de camées et d’intailles venus de collections américaines, européennes ou iraniennes – de réhabiliter une séquence majeure de l’histoire de la Perse qui dura plus de quatre siècles. Apparue au début du IIIe siècle, la dynastie sassanide – fondatrice d’un empire qui s’étendit de l’Euphrate à l’Indus, menaça directement Constantinople et conquit pour un temps Antioche et l’Égypte – fut porteuse d’une puissante réaction nationale et religieuse qui emporta la puissance des Parthes arsacides née sur les ruines des royaumes établis dans l’Orient lointain par les héritiers d’Alexandre.

Descendant d’un ançêtre éponyme du non de Sassan – prêtre du sanctuaire d’Istakhr, héritier de l’ancienne cité royale de Persépolis – Ardachîr bat et tue de ses mains en 224 le souverain parthe Artaban et entre à Ctésiphon – l’ancienne Séleucie du Tigre, la capitale de son adversaire – pour s’y faire couronner « roi des rois ». Originaire du Fars comme l’étaient les Achéménides, la nouvelle dynastie renoue avec le passé glorieux, interrompu sous Darius III, de ce qui avait été le premier empire universel.

L’influence hellénique, si puissante chez les Parthes, s’efface chez les nouveaux maîtres de l’Iran qui substituent le « pehlvi sassanide » au grec et font du zoroastrisme l’unique religion nationale. La longueur exceptionnelle des règnes de plusieurs souverains – Chahpuhr Ier (241-272), Chahpuhr II (309-379), Khosroès Ier (531-579), Khosroès II (590-628) – contribue à la stabilité de l’empire, contraint de guerroyer sur ses frontières orientales et septentrionales mai aussi contre Rome, puis Byzance. Le limes de l’Euphrate et l’Arménie sont farouchement disputés : cette guerre coûte la vie aux empereurs Gordien et Julien et fait qu’un vaste bas-relief fixe pour l’éternité la défaite subie par Valérien devant Chahpuhr. Les deux grandes puissances qui se partagent le Proche-Orient vont cependant s’épuiser mutuellement. Les victoires de Khosroès II sont éphémères puisque la revanche d’Héraclius leur fait ensuite écho.

Divisés sur le plan religieux –entre orthodoxes, nestoriens et monophysites pour les Romains d’Orient, entre zoroastriens, manichéens et chrétiens pour les Perses – les deux empires vont subir de plein fouet l’invasion des cavaliers arabes, de ces « mangeurs de lézards » si méprisés jusque-là par les aristocrates iraniens. Vaincu, Yazdagard III, le dernier Sassanide, n’aura d’autre issue que de fuir vers l’est, vers le Khorassan où il trouvera une mort pitoyable. Écrasée, la Perse sassanide laisse cependant un modèle étatique dont s’inspirera, un siècle plus tard, le califat abbasside de Bagdad et, si l’islam l’emporte rapidement face à l’ancienne religion nationale, la langue arabe ne peut s’imposer durablement aux vaincus. Outre les grands bas-reliefs rupestres que nous ont laissés les Sassanides, ils ont brillé dans les arts mineurs. Ceux-ci exaltent la gloire du souverain à travers les représentations de scènes de chasses, de banquets et d’investitures royales et, par l’intermédiaire de Byzance ou du monde musulman, de nombreux éléments décoratifs floraux ou animaliers imaginés par les artisans sassanides passeront ensuite dans le répertoire iconographique de l’Europe romane.

Rome, musée Vittoriano, du 7 octobre 2006 au 4 février 2007

Le site de l'exposition