Située dans un très beau cadre de montagne, à 1150m d’altitude, l’abbaye de Boscodon est un remarquable monument du XIIème siècle. Ce fut la plus grande abbaye de la région et la principale maison de l’Ordre monastique de Chalais (proche des cisterciens), qui s’est répandu au Moyen Age dans le Dauphiné et la Provence.
Appelés par le Seigneur Guillaume de Montmirail, propriétaire du territoire de Boscodon, des moines de Chalais arrivèrent en 1142. Ils commencèrent par la construction de l’église abbatiale, qui dura 32 ans, et édifièrent ensuite les bâtiments du monastère, quadrilatère entourant le cloître.
A partir de la seconde moitié du XIVème siècle, d’incessantes guerres ( Guerre de Cent Ans, guerres de religions, guerre entre la France et la Savoie...) et de fréquents raids de pillards mirent à sac les bâtiments monastiques et le cloître, épargnant heureusement l’abbatiale. Les reconstructions, restaurations et agrandissements des bâtiments d’habitation ont apporté des transformations architecturales importantes. L’abbaye chalaisienne est devenue bénédictine à la fin du XIVème siècle.
Confisquée par l’archevêque d’Embrun vers 1770, l’abbaye cesse d’exister en tant que telle, transformée en centre d’exploitation forestière. La révolution de 1789 la transforme en bien national. Boscodon devient ainsi un hameau paysan en 1791, comptant une vingtaine de familles et une école.
Elle va être rachetée peu à peu, à partir de 1972, par l’Association des Amis de l’Abbaye, classée M.H. en 1974. L’Association mène à bien son relèvement et sa restauration depuis cette date. Après des chantiers de jeunes, ce sont des entreprises locales et une entreprise de réinsertion qui effectuent les travaux, sous la direction de l’Architecte en Chef des M.H., Francesco Flavigny.
Une communauté de frères et de soeurs (Dominicains, Dominicaines et Frère Missionnaire des Campagnes), souvent rejointe par des amis laïcs, y réside en permanence et l’anime au plan spirituel.
L’Abbatiale représente évidemment l’élément essentiel de l’abbaye puisqu’elle est le cadre et l’outil de la prière presque constante des moines, de jour comme de nuit. Ils s’y retrouvent toutes les trois heures, depuis les Vigiles (ou Matines), la nuit, jusqu’aux complies, avant le coucher.
Un espace nu
L’architecture de l’abbatiale est dépouillée à l’extrême, parce qu’elle doit aider les moines dans leur effort de dépouillement intérieur : rien ne doit venir arrêter leur avancée vers la simplicité radicale du mystère divin que l’homme porte au fond de lui-même. Donc, pas d’images, pas de représentations : ni sculptures, ni chapiteaux, ni vitraux, ni peintures... Juste des formes, des proportions, des symboles. Et la lumière...
Un soin extrême
On notera en revanche le soin avec lequel on a taillé et assemblé les pierres à joints vifs, réalisé les voûtes et les arcs doubleaux (légèrement brisés), les arcs des fenêtres, des portes, les rives de toit, les trompes des angles, composé les ébrasements des fenêtres : pauvreté, dépouillement ne signifient nullement indigence ou négligence ; elles se mettent au contraire au service de la véritable beauté, celle qui émane de la justesse des proportions et de la stricte fonctionnalité d’une architecture.
Le véritable luxe d’une telle abbatiale, outre la perfection des proportions, réside dans la maîtrise de la lumière. L’église est bien sûr orientée vers le soleil levant. On entre au couchant et, s’approchant du sanctuaire, on s’avance vers le levant : on “passe” (Pâque) de l’ombre à la lumière, de la fin de la vie à la naissance.
Chaque matin, le soleil levant illumine le sanctuaire, le lieu du Christ en croix et de la messe, tandis que le chœur des moines chante, à l’office des Laudes, le cantique de Zacharie (Nouveau Testament) : “Béni soit le Seigneur qui a visité et sauvé son peuple, Soleil levant qui vient nous visiter”.
De grandes fenêtres
On aura remarqué la luminosité étonnante de cette église romane, due à la taille déjà importante des fenêtres et aux vastes ébrasements qui captent le maximum de lumière à l’extérieur pour la diffuser largement à l’intérieur.
La technique romane déjà influencée par le gothique naissant a permis cette audace de fragiliser les murs par de vastes ouvertures : les contreforts, rejetés complètement à l’extérieur afin de garder aux murs intérieurs leur nudité, jouent pourtant déjà le rôle de piliers soutenant les arcs doubleaux et les arcs extérieurs. On a obtenu ainsi une structure modulaire, rendant relativement indépendante chaque travée, et soutenant par elle-même, indépendamment des murs gouttereaux, une partie de la poussée de la voûte, de la charpente et de la toiture.
(extraits du petit document destiné aux visiteurs)
Abbaye de Boscodon
05200 - CROTS
Tel. 04 92 43 14 45